Alzheimer : maintenir l’autonomie des malades
Au Centre d’accueil de jour Théodore Daoust, les résidents réapprennent en douceur, les gestes de la vie quotidienne. Tous sont atteints de la maladie d’Alzheimer ou apparentée. Dans ce lieu d’échanges et de rencontres, les familles des malades y trouvent également un soutien, du confort et des conseils.
Niché dans le quartier de Saint-Michel, le centre d’accueil Théorore Daoust a ouvert ses portes en 2008. Cette structure est née afin de répondre à une demande explique Valentine Larocque, la directrice en poste depuis un an et demi. A l’époque beaucoup de personnes atteintes d’Alzheimer étaient isolées et la plupart d’entre-elles refusaient d’aller en maison de retraite, préférant rester chez elles. Les familles, pour beaucoup désemparées, avaient besoin d’être accompagnées et soulagées car Alzheimer est une maladie très lourde à gérer pour les proches. Initialement ouvert trois jours par semaine, en demi-journée ou à la journée complète, le Centre d’accueil de jour accueillait alors trois à quatre personnes par jour. Une convention signée avec l’organisme de santé en 2012, assortie d’une prise en charge dont le montant varie selon les revenus des personnes, a néanmoins permis d’élargir le cercle.
Dédramatiser et aider les familles
De fait, la structure accueille aujourd’hui, en alternance, une vingtaine de personnes en début de maladie, du lundi au vendredi. Certaines viennent tous les jours, d’autres le matin ou l’après-midi, parfois une ou plusieurs journées dans la semaine, souligne Valentine Larocque. En fait, tout dépend des autres dispositifs dont elles bénéficient tels que l’aide à domicile, par exemple, et de leurs besoins. En effet la maladie d’Alzheimer engendre un déclin progressif des facultés cognitives et de la mémoire. Au fil du temps, la personne atteinte éprouve de plus en plus de difficultés à se souvenir d’évènements, à reconnaitre les objets, les visages, y compris ceux de ses proches, à se rappeler de la signification des mots et à parler. Ces oublis peuvent mettre les malades en danger. Parmi les exemples, les plus récurrents, il y a ceux qui oublient d’éteindre le gaz, qui claquent la porte sans prendre les clés ou laissent la maison ouverte et qui se perdent faute de se remémorer leur adresse. Pour les familles, c’est non seulement très difficile mais épuisant. Et le plus dur, c’est de voir la personne changer parfois très rapidement. Au Centre, elles reçoivent une aide et un soutien de même que des conseils pour les aider au quotidien afin de dédramatiser certaines situations. Et lorsque leurs problématiques ne sont plus de nos compétences, nous les redirigeons vers le personnel adapté.
Rompre l’isolement
Au Centre d’accueil de jour, les malades, des femmes pour l’essentiel âgées de plus de soixante ans, sont atteintes par la maladie d’Alzheimer ou apparentée (Parkinson, démence dégénératrice). Toutes ont en commun de présenter des troubles de la mémoire et/ou d’orientation à des degrés divers. Dans ce lieu d’échanges et de rencontrés, les missions sont multiples. Le principal objectif est toutefois de maintenir l’autonomie du malade afin de prolonger sont maintien à domicile. Mais pas seulement. Il s’agit aussi de lui permettre de conserver des activités motrices et cognitives, culturelles et artistiques, de rompre son isolement en maintenant un lien social avec l’extérieur et le cas échéant de le préparer à une éventuelle entrée en institution.
Différentes activités adaptées y sont proposées par l’équipe et des intervenants extérieurs qui se relaient, histoire de varier les plaisirs. Travaux manuels (fabrication de bijoux en perles, tressage, peinture, confection de petits objets de décoration…), esthétique (massage, bain de pied, épilation…), jeux de société rythment les semaines. Un professeur de sport assure des séances de gymnastique douce pour leur permettre de garder une activité physique et de travailler la motricité, les réflexes et l’équilibre. Au programme également, un atelier dit « mémoire » qui porte sur l’orientation dans le temps et l’espace ainsi que l’expression et des interventions musicales qui jouent aussi sur la motricité. A cela s’ajoutent des interventions mensuelles avec l’Association des chiens visiteurs et la venue de chorales. Sans oublier les nombreuses sorties culturelles et intergénérationnelles proposées tous les mois.
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Des rituels pour travailler la mémoire et l’autonomie
Toujours est-il que chaque matin, la journée débute par la lecture de journal. Et c’est Géraldine, l’auxiliaire de vie, qui s’y colle avec entrain. Ce jour-là ne déroge pas à la règle. Monique, la petite dernière arrivée au Centre, est toute ouïe. A ses côtés, Laurence et Micheline sont concentrées. C’est aussi le temps du petit-déjeuner. Entre deux tasses de café, les échanges se font hésitants. Pour Monique, éplucher les pages du journal lui permet de faire travailler la mémoire de son auditoire. Dates, lieux, noms sont passes au crible. Pour les résidentes, c’est aussi une occasion de garder un lien avec l’actualité. Autre rituel tout aussi apprécié, l’atelier culinaire qui se déroule sous l’œil averti de Sarah, l’aide médico-psychologique. Chaque jour, les mamies sont invitées à participer à la préparation de l’entrée du midi, parfois le dessert pour le goûter.
Réapprendre ces petits gestes anodins du quotidien relève parfois du défi mais contribue néanmoins à favoriser leur autonomie. Ce matin-là, l’exercice consiste à éplucher des concombres et des carottes, puis à couper les premiers et à râper les secondes. Avec une infinie patience, Sarah répète inlassablement les mêmes phrases, rectifie un geste et s’assure que tout va bien. Pour capter leur attention, elle n’hésite pas à se lancer dans la narration d’une histoire, la sienne, émaillée de ses péripéties du matin, déclenchant de francs sourires et des éclats de rire. Au passage, elle y glisse des anecdotes et des repères géographiques.
La musique pour garder la motricité
La matinée s’écoule jusqu’à l’arrivée de Sandrine de l’association Fly In The Ciel Music et de Virginie, préposée à l’activité de relaxation. Chaque résidente est alors munie d’un instrument de musique destiné à les faire travailler sur la motricité. Très vite la salle résonne au son des djembés. Entre temps, Angèle et Florette ont rejoint le petit groupe. L’ambiance est à la fête. Le défi quotidien est de respecter l’individualité dans la collectivité et d’aider les malades sans toutefois faire les choses à leur place, note Valentine Larocque. Aujourd’hui, la maladie est diagnostiquée de plus en plus tôt, permettant de fait une prise en charge précoce et rapide. tous nos résidents sont encore en début de maladie et vivent, pour la plupart, à domicile. Beaucoup sont pris en charge par les familles ou bénéficient d’une auxiliaire de vie en permanence. Depuis ces dernières années, les mentalités ont évolué, la maladie d’Alzheimer n’est plus un tabou même s’il faut y être confronté pour s’y intéresser.