Interview : Portrait chinois d’un cadre dirigeant
Cet article est un peu spécial mais intéressant, il s’inscrit dans la logique des interviews déjà réalisées ici et là mais sur un sujet complètement différent. Un questionnaire de la forme d’un portrait chinois a été soumis de façon informelle à un cadre dirigeant d’une ETI lors d’une sortie de service. Il y a répondu en toute franchise, les réponses sont retranscrites telles quelles.
Si vous étiez… un auteur ?
J’en ai tant dans mon panthéon… Jack London, c’est un rapport à la nature, à l’aventure de soi, une exploration de la misère sociale sans concession. Il nous offre un chemin à parcourir pour mieux comprendre la condition humaine. Le Talon de fer et Le Peuple de l’abîme m’ont beaucoup marqué. Avec London, même si la vie est dure et sans pitié, il reste de l’espoir. C’est un voyageur, un déraciné, un être curieux des autres. Il y a un peu de London en moi.
Un pays
… d’Afrique. C’est de là que l’on vient. On ne peut pas ne pas le ressentir en foulant les terres grasses de la forêt primaire ou les pistes empoussiérées de la savane. On ne se guérit jamais tout à fait d’avoir dû quitter ces lieux. Et pour cause : l’appel de la maison natale est toujours le plus fort.
Une île
Perdue, loin de tout. Où l’on n’a rendez-vous qu’avec soi…
Une fleur
La rose qui évoque l’Angleterre de mon enfance, les déambulations dans la roseraie de Lady Churchill où dans celle de mes grands-parents. Cette fleur ne donne pas son parfum facilement. Pour qu’elle s’offre à vous, il faut s’en approcher puis la humer délicatement, si entre-temps elle ne vous a pas déjà piqué ! Il arrive parfois quand elle vous a adopté et que vous avez le bonheur de croiser un zéphyr inattendu, qu’elle partage avec vous ses effluves.
Une odeur
Celle du cou de mon arrière-grand-mère, dont les fragrances ne m’ont jamais quitté depuis l’enfance.
Un animal
Le dauphin. Pour rester fidèle à l’enfant que j’ai été. Ce mammifère m’a toujours fasciné. Il exprime tant d’émotions. Alors qu’un cétacé n’a pas les muscles faciaux nécessaires pour changer d’expression, le dauphin y parvient. Je l’ai toujours senti très proche de moi !
Une plante
La glycine enveloppante et généreuse. J’aime sa floraison multiple. Ses branches s’entrelacent dans un exercice de contorsionniste inédit. En Californie, elle abrite de nombreuses créatures dont les fragiles colibris, qui trouvent dans ses grappes généreuses les sucs dont il a besoin.
Une couleur
Le bleu. Celui de la Vierge, de la mer, du ciel. On le dit froid, distant. Qu’il soit royal ou azuréen, il inspire chez moi l’idée de liberté, de sacré, de sérénité.
Une voix
J’hésite entre celles de Véronique Sanson, de Jacques Brel ou de Beth Hart. J’aime les voix mélancoliques, bruineuses. Celles qui vous traversent sans jamais vous blesser. Celles qui vous font, malgré tout, aimer la vie.
Un jeu
La crapette. J’y ai beaucoup joué étant petit !
Un plat
Celui préparé par quelqu’un que j’aime. Un plat n’a jamais le même goût quand il est le fruit d’un acte de partage et d’amour.
Un vêtement
Mon blouson de cuir. Il vieillit avec moi, se patine, suit docilement les changements de mon corps. Avec un tee-shirt, un débardeur ou torse nu, je ne me sens jamais autant en sécurité que lorsque je le porte.
Un objet fétiche
Les petites plaques d’identification gravées à mon nom quand j’étais étudiant à Hollywood. Elles me quittent rarement…
Une devise
L’union fait la force. On ne devrait songer qu’à cela aujourd’hui. S’unir. L’union d’un peuple, des peuples ! Nous sommes tous dans un bateau qui tangue dangereusement mais chacun s’enferme dans sa cabine. De là-haut, les dieux doivent être affligés de nous voir, insignifiantes créatures fragiles perdue dans l’immensité du rien, avoir tant d’ardeur à nous autodétruire sur un petit bout de cailloux rond…